À Versailles, au milieu d’obstacles qui paraissent invincibles, André Le Nôtre, Premier jardinier du Roi-Soleil, a du se surpasser pour « domestiquer la nature » et transformer cette plaine marécageuse et forestière en jardins qualifiés de « plus beaux d’Europe » ; magnifiés par des fontaines aux jeux d’eau des plus sophistiqués. Tout au long de son reigne le Roi Louis XIV n’ aura de cesse d’ordonner la création de fontaines et bassins toujours plus nombreux, et dont la quête de l’eau relève de l’épopée. e 20h30. Perfectionnée par les Francine, célèbres fontainiers de Louis XIV, la palette des effets d’eau est d’une variété sans pareil à Versailles ; entre lances, jets, cascades, nappes, gouffres…Le choix de la forme, des hauteurs et du nombre de jets d’eau participe à raconter l’histoire de chaque fontaine. Les éléments de décors transmettent l’intensité des émotions propres à chaque thématique. Le génie des Francine est d’avoir su combiner distinctement tous ces effets qui se dessinent et se lisent malgré la profusion d’eau.
À la fin du règne de Louis XIV, les jardins de Versailles comptent 1600 jets d’eau – soit quatre fois plus qu’aujourd’hui – qui consommaient 6 300 m3 d’eau par heure. Or, pour satisfaire ce besoin d’eau toujours croissant, sur un site qui en est dépourvu, savants et académiciens ont été mobilisés ; donnant lieu à la plus importante évolution des techniques hydrauliques depuis l’époque romaine. En effet au XVIIe siècle les connaissances en hydraulique ont peu progrese sé depuis l’Empire romain et c’est un véritable défi lancé aux ingénieurs de cette époque que de faire venir l’eau à Versailles.
Il n’existe que des dénivellations très faibles et les moyens techniques étaient rudimentaires. Les tuyaux étaient faits de troncs d’arbres forés, de cuivre, de poterie, qui ne résistaient pas à de fortes pressions. Quant aux conduites en plomb, elles contenaient trop d’impuretés et cédaient régulièrement.
Les premières « Grandes Eaux » de Versailles ont lieu le 27 avril 1666. Il s’agit alors d’ouvrir simultanément l’ensemble des fontaines et bassins ; ou du moins, concomitamment au passage du Roi-soleil, signalé à l’aide d’un sifflet.
Depuis plus de 350 ans, les fontaines et bassins jouent les eaux créées par Louis XIV, et donnent vie aux jardins peuplés de dieux mythologiques. Mais c’est au cours du XIXe siècle, que naissent les spectacles des Grandes Eaux telles que nous les connaissons aujourd’hui. Jusqu’en 1831, les festivités autour des « jeux d’eau » se multiplient. Puis grâce à la création en 1837 de la Compagnie des chemins de fer, offrant un accès rapide de Paris à « Versailles Rive gauche », Parisiens et visiteurs de tout horizon encouragent le développement progressif des Grandes Eaux. Ainsi, en 1855, « Huit ou dix fois par été, l’annonce de ces eaux merveilleuses met en mouvement cinquante ou soixante mille curieux » grace à ses 35 kilomètres de canalisations permettant à 9 000 m3 d’eau de fuser dans les 55 bassins et fontaines.
Aujourd’hui les Grandes Eaux puis les Nocturnes pour lesquelles les jardins à la française se parent de mille feux sont sublimées par la magie de l’été et des Fêtes de nuit. Bosquets, fontaines et bassins, mis en eau et en lumière au rythme de la musique du Roi-Soleil, se découvrent en 2 h 30 de promenade féerique : de la Grande Perspective où s’admirent statues, topiaires et bassins élégamment illuminés, au Tapis Vert vibrant à la cadence de flammes monumentales, en passant par le bosquet de la Salle de Bal qui invite à la danse, entouré de mille et une bougies… Pour atteindre le point d’orgue au Bassin de Neptune, où s’enchainent de magnifiques compositions de jets d’eau, des chorégraphies baroques et cascades de lumière, jusqu’au grand feu d’artifice final.
Gustave faisant partie de l’évènement, nous vous livrons ici toute la féerie des Grandes Eaux Nocturnes à travers ses différents Bosquets.
Le bassin de Latone évoque un épisode tiré des Métamorphoses d’Ovide, où Latone condamne des paysans qui l’avaient outragée à être changés en grenouilles. Réalisées par Gaspard et Balthazar Marsy entre 1666 et 1670, il résulte de la volonté de Louis XIV de créer, au centre de son Jardin, une fontaine qui raconte l’enfance d’Apollon, le dieu-soleil qu’il s’est choisi pour emblème. Pour créer cette fontaine, Louis XIV fait transformer un bassin creusé par Louis XIII en y installant progressivement des jeux d’eau et des décors sculptés par les frères Marsy.
Le bassin de Latone chante la gloire conjointe de Louis XIV et de son emblème le soleil incarné dans la figure d’Apollon. Pour asseoir cette identification, le Roi-Soleil a fait illustrer dans son jardin plusieurs épisodes de la vie du dieu-soleil. Le bassin de Latone évoque son enfance. Le Char d’Apollon, émergeant de son bassin tel le soleil de l’océan, figure le jour qui s’éveille et le lever du roi. Le bosquet des Bains d’Apollon, dont les statues étaient à l’origine dans la grotte de Thétys, représente le repos nocturne du soleil dans l’océan. L’ensemble compose une symphonie solaire dont le véritable héros n’est autre que son commanditaire, Louis XIV.
Le bosquet des Bains d’Apollon actuel date du règne de Louis XVI et fut aménagé entre 1778 et 1781. À son emplacement, Le Nôtre avait d’abord créé, vers 1670, le pittoresque bosquet du Marais, dont la principale décoration consistait en un bassin bordé de roseaux de métal peints au naturel et orné en son centre d’un arbre de métal crachant de l’eau. En 1705, ce bosquet plein de fantaisie disparaît pour laisser la place aux groupes d’Apollon servi par les nymphes et des Chevaux du Soleil que Jules Hardouin-Mansart place sous des baldaquins de plomb doré et sur des socles bordés par un bassin. La partie ouest du bosquet est aménagée sous Louis XV pour le dauphin. Les deux parties du bosquet sont totalement modifiées sous Louis XVI et le peintre Hubert Robert y conçoit un jardin à l’anglaise dont le centre est occupé par un lac que domine un immense rocher factice agrémenté de cascades et creusé d’une grotte dans laquelle est installé le groupe d’Apollon, tandis que les deux groupes des Chevaux du Soleil sont placés de part et d’autre.
La fontaine de l’Encelade fut exécutée en plomb par Gaspard Marsy entre 1675 et 1677. Le sujet en est emprunté à l’histoire de la chute des Titans, ensevelis sous les rochers de l’Olympe par les dieux qu’ils avaient voulu détrôner. Le sculpteur a représenté le géant Encelade à demi englouti sous un amoncèlement rocheux, luttant contre la mort et dont la souffrance se traduit par le puissant jet qui s’échappe de sa bouche, comme un cri. Une invitation énigmatique et à la fois féerique de nuit dans ce décor digne des Dieux Grec.
Construite à partir de 1685 par Jules Hardouin-Mansart, la Colonnade a remplacé un bosquet créé par Le Nôtre en 1679 : le bosquet des Sources. Péristyle circulaire de plus de quarante mètres de diamètre, l’ouvrage s’appuie sur trente-deux pilastres servant de contreforts aux arcades que soutiennent trente-deux colonnes ioniques. Les pilastres sont tous en marbre du Languedoc tandis que les colonnes alternent entre marbre bleu turquin, brèche violette et marbre du Languedoc. Le décor sculpté représente des Amours s’adonnant à la musique ou à des jeux champêtres. Sous vingt-huit des trente-deux arcades, dont les clés d’arc sont ornées de masques de divinités marines ou agrestes, des fontaines jaillissantes se déversent dans une goulotte qui entoure le péristyle. Au centre, le bassin d’origine a été remplacé dès 1696 par le groupe de Girardon, L’Enlèvement de Proserpine par Pluton.
Le bosquet de la Salle de Bal est le dernier bosquet que Le Nôtre aménagea dans les jardins pour Louis XIV, et certainement le plus connu. Les travaux, commencés en 1680, s’achevèrent en 1685. Le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, y donna un grand souper pour son inauguration. Il prend alors son nom de Bosquet des Rocailles lorsque Mansart effectue des modifications en 1707. Son style Rocaille fait penser notamment à la grotte de Thétis, aujourd´hui disparue. Il fut restauré en 2001 et 2002 grâce au mécénat de la Fondation Bettencourt-Schueller.
Le bosquet est traité comme un amphithéâtre de verdure. Dédié à la danse, art auquel s’essayait volontiers le Roi-Soleil, les musiciens prenaient place au dessus de la cascade et les danseurs sur une petite île en marbre au centre. Au centre, l’arène avait été dotée d’un îlot ceinturé d’un canal à deux niveaux et accessible par quatre petits ponts. Le Nôtre utilisa l’importante déclivité provoquée par les rampes du parterre de Latone pour concevoir une grande cascade scandée de rampes de marbre. L’ensemble a reçu un décor de pierres de meulière d´ile de France, de coquillages et lapis-lazuli en provenance de Madagascar. L’ atmosphère indescriptible de ces lieux la nuit nous invite à la rêverie et au songe, bercé par le bruit de l’eau et les lumières envoûtante qui jaillissent des cascades nous livrent un spectacle de toute beauté.
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